La mygale de Provence : une voisine discrète et fascinante

Je dois l’avouer, en entendant « mygale de Provence », ma première réaction a été de reculer d’un pas. Une mygale, en France ? Je m’imaginais déjà une grosse araignée velue courant dans mon salon. Mais très vite, en me renseignant, j’ai découvert un animal bien moins effrayant qu’il n’y paraît… et même carrément passionnant.

La mygale de Provence, ou Atypus affinis, fait partie de la famille des mygales, certes, mais elle est beaucoup plus petite que celles qu’on connaît en Amérique du Sud. Et surtout, elle est inoffensive pour l’humain, discrète, et vit dans des terriers soyeux qu’elle ne quitte presque jamais.

On pourrait croire que cette espèce ne vit que dans des coins reculés, mais en réalité, elle est bien implantée dans le sud de la France, notamment en Provence (comme son nom l’indique), mais aussi dans d’autres régions méditerranéennes comme le Languedoc ou les Pyrénées-Orientales.

Elle a ses petites préférences : sols sablonneux ou calcaires bien drainés, chaleur, ensoleillement partiel… On la trouve dans les landes sèches, les pelouses calcaires, les talus, les sous-bois ouverts ou même certains jardins sauvages. Autrement dit, elle n’est jamais bien loin, mais elle sait se faire discrète.

C’est ici que les clichés s’effondrent. Non, la mygale de Provence ne mesure pas 15 cm ! En réalité, elle fait entre 1,5 et 3 cm, ce qui la classe parmi les petites araignées. Elle est de couleur brun foncé à noire, avec un corps trapu et des pattes velues. Son apparence peut impressionner, surtout quand on tombe sur elle par hasard, mais une fois qu’on connaît un peu mieux cette espèce, la peur laisse place à la curiosité.

Elle se distingue aussi par son terrier en forme de chaussette en soie, qu’on peut parfois repérer en surface. Ce terrier est à la fois son refuge et son poste de chasse.

Ce que j’ai trouvé particulièrement fascinant, c’est que cette araignée passe presque toute sa vie sous terre. Elle creuse elle-même son abri, tapissé de soie, avec un tunnel qui peut descendre jusqu’à 30 cm de profondeur. À la surface, elle tisse une sorte de tube de soie légèrement enfoui, qu’elle surveille en permanence.

La nuit, elle guette les vibrations du sol, à l’affût d’un insecte qui passe. Dès qu’une proie marche sur son piège, elle bondit à travers le tube, plante ses crochets et la ramène dans son terrier. Un mode de chasse ultra précis et totalement silencieux.

Contrairement à beaucoup d’autres araignées, la mygale de Provence vit longtemps. Les femelles peuvent atteindre 10 ans, parfois plus. Les mâles, quant à eux, ont une vie plus courte – autour de 4 à 5 ans – mais jouent un rôle essentiel au moment de la reproduction.

La saison des amours se déroule à l’automne. À ce moment-là, les mâles quittent leur terrier pour partir à la recherche d’une partenaire. Une fois l’accouplement terminé, ils meurent souvent peu après, laissant la femelle pondre et veiller sur ses œufs jusqu’au printemps.

Je sais que le mot « mygale » peut faire frissonner, mais ici, il n’y a pas de raison de paniquer. La mygale de Provence n’attaque pas l’homme, elle n’en a ni l’envie, ni la capacité. Son venin sert uniquement à neutraliser ses proies (petits insectes, vers, cloportes…), et sa morsure est très rare, car elle fuit le contact.

Dans le pire des cas, une morsure provoquerait une petite irritation, comparable à une piqûre d’abeille. Rien de plus.

Ce qui m’a le plus touchée dans mes recherches, c’est de découvrir que cette araignée joue un vrai rôle dans l’équilibre naturel. En régulant les populations d’insectes, elle participe à la biodiversité des milieux secs méditerranéens. Mais voilà : l’urbanisation, les cultures intensives et le manque de connaissance mettent son habitat en danger.

C’est pourquoi elle est aujourd’hui protégée, notamment en région PACA. Il est interdit de la capturer ou de la déplacer. Si vous en trouvez une dans votre jardin, le mieux reste de la laisser tranquille, ou de la déplacer délicatement dans un coin plus sauvage.

Si vous êtes curieux ou curieuse comme moi, vous aurez peut-être envie de l’observer dans son habitat naturel. C’est possible, mais il faut avoir l’œil ! Voici deux conseils utiles :

Si jamais vous en croisez une dans la maison, pas de panique. Un récipient et une feuille rigide suffisent pour la relâcher dans un coin tranquille du jardin.

La mygale de Provence, c’est un peu le trésor discret de nos paysages méditerranéens. Ni dangereuse, ni envahissante, elle vit cachée, utile, et joue son rôle dans la nature sans faire de bruit. En apprenant à la connaître, on comprend qu’il n’y a rien à craindre… bien au contraire.

Et si vous croisez un jour ce petit bijou velu, prenez une seconde pour l’observer. Elle vous en apprendra sûrement plus qu’un long discours.